Washington, le 23
octobre 2007 - Éliminer la faim et la
malnutrition est un objectif réalisable,
mais uniquement à condition que les
gouvernements des pays développés et
ceux des pays en voie de développement
prennent les décisions politiques qui
s'imposent. Aucun
objectif mondial n'est plus important
que celui qui consiste à éliminer la
faim. Plus de 800 millions de personnes
sont affamées ou sous-alimentées à
travers le monde. Et un grand nombre
d'entre elles sont des enfants.
La malnutrition infantile est
particulièrement tragique. Elle peut
causer des lésions cérébrales qui
entravent de façon permanente la
capacité d'un individu de réaliser
pleinement son potentiel.
La sécurité alimentaire est une
nécessité si fondamentale que ni les
familles ni les pays ne peuvent faire
face à leurs autres difficultés quand
ils ne mangent pas à leur faim. Il faut
venir à bout de la faim et de la
malnutrition si on veut réaliser des
progrès durables dans l'éducation, la
santé et l'environnement. |
Un objectif réalisable
De toutes les questions pressantes qui assaillent le
monde, l'élimination de la faim est peut-être l'une
des plus faciles à résoudre. Il n'existe pas de
pénurie mondiale de nourriture. La capacité de
continuer à produire suffisamment de vivres de bonne
qualité pour faire face aux besoins de la population
mondiale ne fait aucun doute.
La faim résulte plutôt de problèmes politiques. Les
guerres et les conflits civils rendent les femmes et
les enfants vulnérables en les privant d'accès à la
nourriture. L'aide alimentaire d'urgence est parfois
insuffisante, fournie trop lentement ou trop
inefficace pour faire face à ces besoins.
La science et la technologie n'ont pas toujours été
disponibles pour satisfaire les besoins agricoles
particuliers des pays en voie de développement.
Parfois, les donateurs internationaux n'ont pas
fourni suffisamment de fonds pour aider ces pays à
accroître leur productivité agricole et promouvoir
le développement rural. De leur côté, les pays en
voie de développement ont parfois évité de recourir
à de nouvelles techniques prometteuses telles que la
biotechnologie, qui sont utilisées sans danger et
efficacement dans les pays développés.
Si le système commercial peut aider les gens à
satisfaire les besoins mondiaux en vivres au prix le
plus bas et avec le minimum de conséquences sur
l'environnement, des politiques commerciales et
agricoles peu judicieuses, dans les pays développés
comme dans les pays en voie de développement,
empêchent parfois les rouages commerciaux de
fonctionner. C'est ainsi que l'Europe et les
États-Unis maintiennent des subventions qui faussent
les échanges et désavantagent les agriculteurs des
pays en voie de développement. Trop souvent, les
pays qui importent des vivres utilisent des
obstacles au commerce pour accorder des avantages
injustes et inefficaces à leurs producteurs locaux.
Mesures nécessaires
L'élimination de la faim et de la malnutrition est
un objectif réalisable, mais uniquement si les
gouvernements prennent les bonnes décisions
politiques. Éradiquer la faim exigera une forte
volonté politique, une étroite coopération, un plan
précis et des efforts soutenus. Voici quelques-uns
des éléments principaux d'un tel plan.
1. Fournir plus rapidement davantage d'aide
alimentaire - Lorsque des conflits internationaux ou
intérieurs placent les gens dans une situation telle
qu'ils ne peuvent se procurer de la nourriture ou
qu'ils n'y ont pas accès, les donateurs
internationaux doivent agir plus rapidement et plus
généreusement. Travaillant sous la direction du
Programme alimentaire mondial, des donateurs
bilatéraux tels que l'Agence des États-Unis pour le
développement international (USAID) interviennent.
D'autres donateurs doivent reconnaître que l'aide
alimentaire est indispensable. Tous les donateurs
doivent répondre plus rapidement aux crises
alimentaires en recourant à des systèmes d'alerte
rapide.
2. Fournir une aide alimentaire plus efficace -
L'efficacité de l'aide alimentaire doit être accrue.
Dans certaines circonstances, la livraison directe
de vivres par les pays exportateurs traditionnels
comme les États-Unis est moins efficace que l'achat
de vivres localement ou dans la région où sévit la
pénurie de vivres. Au moment où le Congrès des
États-Unis est en train de réviser la loi sur la
politique agricole, des groupes comme Bread for the
World préconisent des réformes visant à accroître
l'efficacité de l'aide alimentaire américaine.
3. Aider les pays pauvres à produire davantage de
vivres - Les États-Unis et les autres donateurs
peuvent faire davantage pour aider les pays en voie
de développement à accroître leur productivité
agricole. Les États-Unis ont commencé à le faire au
cours de ces six dernières années. La Banque
mondiale et les banques régionales de développement
doivent accélérer leurs propres programmes en faveur
de l'agriculture. M. Robert Zoellick, qui est
maintenant président de la Banque mondiale,
s'intéresse aux problèmes agricoles africains.
J'espère qu'il prendra des mesures pour redonner à
la Banque mondiale son rôle prépondérant dans
l'accroissement de la productivité agricole des pays
en voie de développement.
4. Utiliser l'aide alimentaire pour soutenir le
développement agricole dans les pays en voie de
développement - L'aide alimentaire internationale
devrait être une réaction à court terme et non pas
encourager une dépendance à long terme. En
collaboration avec les ONG, les États-Unis aident
les pays qui s'efforcent d'utiliser l'aide
alimentaire pour accroître leur propre productivité
agricole. Au Burkina Faso, l'USAID et le ministère
américain de l'agriculture travaillent avec un
groupe appelé Northwest Medical Teams pour aider les
groupes d'agriculteurs qui partagent leur matériel
agricole et creusent des puits. Des projets
semblables ont été entrepris avec succès au Sénégal,
au Kenya et en Érythrée.
5. Faire de l'agriculture et de la nutrition des
priorités nationales - Bien que l'aide leur soit
indispensable, les pays qui souffrent de la faim
doivent prendre l'initiative pour faire de
l'agriculture et de la nutrition des priorités
nationales. La Chine et l'Inde, les deux pays les
plus peuplés de la terre, ont montré ce qu'on
pouvait faire dans ce domaine. En Chine, le
gouvernement a procédé à des réformes majeures qui
donnent aux agriculteurs plus de liberté dans le
choix des cultures. En Inde, le gouvernement a mis
en vigueur des programmes de distribution de
semences pour aider les agriculteurs ainsi que des
programmes de distribution de lait pour aider les
consommateurs. Chacun de ces pays a commencé à
exploiter ses aptitudes scientifiques pour
s'attaquer aux problèmes de la faim et de la
nutrition. Les autorités et les scientifiques
chinois et indiens ont remporté le prestigieux Prix
mondial de l'alimentation (World Food Prize).
À l'opposé de ces exemples positifs, au Zimbabwe,
une politique gouvernementale catastrophique a
transformé un pays agricole riche en un pays affamé.
En Corée du Nord, les objectifs aberrants du régime
et un contrôle politique maladroit de la
distribution de vivres ont entraîné la famine et
d'autres graves problèmes, malgré des années
d'assistance alimentaire généreuse.
6. S'appuyer sur la technologie - Aux États-Unis,
les citoyens ont la chance de bénéficier des progrès
de la technologie alimentaire. Quelques avances,
notamment la biotechnologie, ont permis non
seulement d'accroître la productivité, mais aussi de
produire des variétés de plantes qui résistent
davantage à la sécheresse, ont une valeur nutritive
accrue, exigent moins de produits chimiques et
résistent davantage aux parasites. Grâce à un
programme international concerté concernant à la
fois les secteurs public et privé, le pouvoir de la
biotechnologie pourrait être exploité au profit des
agriculteurs et des consommateurs des pays en voie
de développement. Le fait que la Fondation Bill et
Melinda Gates et la Fondation Rockefeller
s'associent pour aborder l'aide à l'agriculture est
encourageant. Avec une aide internationale plus
considérable, nous pouvons nous attendre à des
initiatives encore plus importantes de chercheurs
tels que Monty Jones, en Sierra Leone, qui a
amélioré les techniques de riziculture en Afrique de
l'Ouest.
7. Exploiter le pouvoir du commerce - Le système
commercial doit être utilisé pour éliminer la faim.
Les zones commerciales riches telles que l'Europe et
les États-Unis doivent abolir les subventions
agricoles qui faussent le commerce et appauvrissent
les agriculteurs des pays en voie de développement.
Les pays riches, y compris le Japon, doivent
supprimer les importantes barrières tarifaires
dressées contre les exportations agricoles des pays
en voie de développement pour que les moyens de
production alimentaire de ces pays puissent être
accrus.
En même temps, trop de pays en voie de développement
ont été lents à comprendre que les obstacles
commerciaux aux importations de vivres causaient une
augmentation des prix de l'alimentation pour leur
population et perpétuaient l'inefficacité de leurs
propres systèmes de ravitaillement en vivres. Il se
peut que des périodes d'ajustement soient
pertinentes, mais la réduction des obstacles dressés
par les pays en voie de développement aux
importations de vivres fait nécessairement partie de
la solution du problème de la faim à l'échelle
mondiale.
8. Faire de l'élimination de la faim une priorité
politique absolue - Dans la lutte contre la faim
dans le monde, nous nous heurtons à une pénurie. Il
ne s'agit pas d'une pénurie de vivres, mais de
volonté politique. Huit cent millions de personnes,
dont nombre de femmes et d'enfants, comptent sur
nous.
Alan Larson, ancien sous-secrétaire d'État aux
affaires économiques et commerciales des États-Unis |